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FERAL Maude, MACHABERT Nathalie

Les “Desc” : question d’alliances

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> Peuples en marche, n°184, mars 2003

Cette année à nouveau, la question des droits, instruments de lutte face à la mondialisation libérale, était très présente dans les débats du Forum social mondial. Le Crid, avec des organisations partenaires, y a consacré à Porto Alegre un séminaire de trois jours.

Lorsque réseaux européens et réseaux latinos travaillent ensemble à Porto Alegre sur la thématique des droits économiques, sociaux et culturels (les “Desc”, dans le jargon ONG), il y a d’abord un constat : le concept de droits de l’Homme est indivisible. En clair, droits économiques et sociaux et droits civils et politiques sont liés. La distinction imposée par le droit international résulte d’un compromis politique, mais, dans la réalité cette dichotomie n’a pas de sens. Plus personne aujourd’hui ne conteste ce caractère indivisible des droits.

D’ailleurs, la violation des Desc porte atteinte à l’exercice des droits civils et politiques et à la dignité de l’Homme et, inversement, l’application des droits civils et politiques n’est pas économiquement neutre... Cette complémentarité entre droits, leur caractère universel, n’est pas un “scoop” : de nombreuses conférences onusiennes l’ont souligné (dès 1968 lors de la Conférence de Téhéran, ou plus récemment à la Conférence de Vienne en 1993). Philippe Texier, magistrat et expert auprès du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, soulignait non sans malice que l’Organisation internationale du travail, porteuse des notions de respect des Desc, préexiste à l’ONU...

Autre temps fort de ce séminaire, les débats autour des concepts d’exigibilité et de justiciabilité des droits. Des débats non sans ambiguïté. L’exigibilité concerne en effet des mesures administratives, des politiques d’Etat... qui, si elles ne sont pas justiciables en termes judiciaires, restent exigibles, notamment par la société civile.

Concept strict

Quant au concept de justiciabilité [1], il est lui beaucoup plus strict. Alors qu’un Etat peut être déclaré responsable du non-respect des droits civils et politiques sur son territoire, le mettre en cause devant une juridiction pour violation des Desc est moins évident, la justiciabilité de ces droits n’étant pas encore pleinement reconnue. C’est seulement le 11 décembre 1992, que le Comité des Desc des Nations unies s’est prononcé en faveur d’un protocole instaurant une procédure de plaintes pour que « les Desc soient traités aussi sérieusement qu’ils le méritent ». Principaux responsables des violations de ces droits : les Etats, les multinationales et les Institutions financières internationales (IFI).

Si le droit international s’applique aux Etats, il concerne plus exceptionnellement les acteurs privés. Un Etat peut en effet intervenir à propos de faits commis par un de ses nationaux à l’étranger... mais il n’est pas tenu de le faire. Il n’est donc pas obligé de se sentir concerné par les activités de ses firmes sur territoire étranger. Il existe néanmoins une exception lorsqu’il est reconnu que cet Etat exerce un “contrôle effectif” sur cette personne privée.

L’avocat William Bourdon qui, avec l’association Sherpa, travaille sur la responsabilité des entreprises [2] soulignait lors de ce séminaire « qu’à travers des personnes morales on peut atteindre des dirigeants, personnes physiques. » Reste à inventer aujourd’hui des procédures adaptées aux entreprises... et aux Institutions financières internationales, qui promeuvent des politiques conduisant à la violation des Desc... sans assumer devant quelque organisme international que ce soit la responsabilité de ces politiques.

Les niveaux d’action

Pour les mouvements citoyens, mais aussi pour les mouvements syndicaux (relativement peu présents à Porto Alegre) se pose donc la question de savoir à quel niveau agir, et sur la base de quelles alliances et de quelles revendications communes.

Aux niveaux local et national bien sûr, niveaux à partir desquels les droits de base doivent être appliqués (droit à l’eau, la santé, aux droits de l’Homme au travail...) et où les alliances entre différents acteurs sont le plus facile à expérimenter... Echelons également les plus pertinents pour la mise en œuvre de politiques publiques favorables à ces droits.

Le niveau international est sans doute le plus difficile à appréhender. Témoin, la réelle divergence qui existe sur la nécessité ou non d’une juridiction internationale des Desc. Toujours selon William Bourdon, un juge ou un tribunal international pour juger des “crimes de la mondialisation” n’est pas nécessaire, voire irréaliste. « Il est important d’aborder la notion de crimes contre l’humanité de manière stricte, afin de ne pas faire perdre son sens aux différents termes juridiques, et de ne pas faciliter la tâche de ceux que nous combattons. » Pour l’instant, seuls les crimes contre l’humanité sont en effet justiciables par le droit international.

Cet échelon est pourtant le cadre adapté pour la mise en œuvre de campagnes de pression internationales, pour une évaluation globale des politiques publiques... et pour revendiquer le respect des droits fondamentaux par les multinationales et les Institutions financières internationales. Il permet aussi des partenariats entre organisations mettant en commun expertises, expériences et revendications. A l’image de ce qui se fait aujourd’hui entre écologistes, défenseurs des droits de l’Homme et associations à vocation humanitaire sur le terrain des Ifi, ou encore à l’image des actions qui unissent des mouvements proches, se mobilisant sur les mêmes fronts, comme Droit au logement en France et le MNLM au Brésil. Comme l’ont souligné plusieurs intervenants, le respect des Desc ne sera assuré que par l’interaction à venir (à espérer) entre des mécanismes de protection efficaces, des politiques publiques concrètes et une mobilisation citoyenne sachant regrouper tous les mouvements (ONG de solidarité internationale, de défense des droits de l’Homme, de défense de l’environnement, syndicats, humanitaires, mouvements sociaux).

[1] Fait de pouvoir porter devant une juridiction judiciaire les responsables de violations des Desc.

[2] Lire le Peuples en marche n°183, février 2003, p.10

document de référence rédigé le : 1er mars 2003

date de mise en ligne : 20 août 2004

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