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Janadesh 2007

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> Purnima S. Tripathi

http://www.frontline.in

« Du travail pour toutes les mains, du pain pour tous les estomacs, une terre pour les Sans-terre, une protection pour les petits paysans et les petits commerçants, modifier les politiques actuelles ». Cela résume bien les demandes des 25 000 Dalits et Tribaux sans terre qui, à partir de vingt Etats de l’Union indienne, ont convergé à pied vers New Delhi le mois dernier.

Cette padayatra (= marche de pèlerins) a démarré à Gwalior, au Madhya Pradesh, le 2 octobre, jour anniversaire de la naissance de Gandhi, et s’est achevée le 28 octobre dans la capitale de l’Union indienne. Les marcheurs ont ainsi démontré que la satyagraha (= manifestation pacifique de la vérité) gandhienne peut encore aujourd’hui donner des résultats. Ils devaient se rendre devant le Parlement le jour suivant pour un sit-in. Impressionné par leur nombre et leur détermination (ils avaient en effet l’intention de rester sur place tant que leurs demandes ne seraient pas prises en considération), le Gouvernement a annoncé la constitution d’une commission chargée de ce dossier. La marche sur le Parlement a alors été annulée.

Dans le mois qui suit, cette « commission des relations agraires et des questions non résolues de la réforme agraire dans le cadre des Etats » devra voir le jour. Présidée par le Ministre du développement rural, elle réunira des experts en la matière et des militants sociaux et présentera son rapport et ses recommandations au Conseil national de la réforme foncière, présidée par le Premier Ministre. Elle devra notamment proposer une politique nationale de réforme agraire et un calendrier pour sa mise en œuvre. Certains diront que la meilleure façon de se débarrasser d’un problème c’est de créer une commission pour s’en occuper. Mais les marcheurs ont quand même obligé le gouvernement central à mettre ce sujet à son ordre du jour, ce qui n’est pas rien, à une époque où les grands barrages et de gros projets industriels chassent des milliers de gens de leurs terres.

Satisfaits de la réaction du gouvernement central, les manifestants ont célébré leur victoire avant de retourner chez eux, promettant cependant en termes clairs de revenir à pied d’œuvre dans une autre manifestation (Joto Jeeto) si l’action gouvernementale n’était pas à la hauteur.

P. V. Rajgopal, président de Ekta Parishad qui avait organisé cette marche, s’est réjoui de l’attitude des responsables politiques, tout en précisant que Ekta Parishad attendrait la suite des événements pour décider de la marche à suivre. Ekta Parishad réclame trois choses : création d’une commission nationale de la terre, création de tribunaux spécialement chargés de traiter dans les meilleurs délais des affaires foncières qui traînent dans les tribunaux, création d’un guichet unique pour toutes les procédures administratives relatives aux problèmes fonciers.

Autre aspect remarquable à propos de Janadesh 2007 : son caractère authentiquement gandhien, avec ces 25 000 personnes marchant pendant 350 kilomètres sans provoquer de dégâts dans les villes et villages traversés. Pourtant la colonne s’étirait sur 5 ou 6 km, faisait 12 km chaque jour et campait sur la chaussée.

Cette manifestation avait été préparée un an à l’avance. Tous les détails avaient été étudiés : où et comment s’alimenter, où et comment faire ses besoins sans laisser trop de traces, dans quel ordre marcher. Il y a un an, pour reconnaître les lieux et faire déjà connaître Janadesh 2007, une petite yatra (pèlerinage) de 500 personnes avait suivi le même chemin.

Mrityunjay Sanjay, le coordinateur de l’opération, rappelle : « Les gens ont été très coopératifs. Même ceux qui n’étaient pas du tout concernés par des problèmes de terre venaient proposer leur aide, pour la nourriture, le logement. » Les autorités régionales ont eu une attitude correcte et n’ont jamais fait d’obstruction. A Delhi, par contre, les marcheurs ont dû rester à Ramila Grounds, le lieu de campement, sans avoir l’autorisation d’aller jusqu’au Parlement.

Très impressionné par le caractère authentiquement gandhien de ce mouvement, Raghuvansh Prasad, ministre du Développement rural, a tout fait pour persuader le Premier ministre de prêter une oreille attentive aux marcheurs. « Malgré toutes leurs difficultés, ils ont avancé de façon totalement pacifique, sans créer de troubles nulle part, à la façon de Gandhi. Nous devons écouter ce qu’ils disent parce que leurs demandes sont totalement justifiées. La question des Sans-terre dans notre pays est devenue un gros problème dont il importe de s’occuper au plus vite. Sinon cela va entraîner mécontentements et violences dans les campagnes », a-t-il déclaré à Frontline.

Les troubles provoqués par les Naxalites * (maoïstes) sont qualifiés par le Premier ministre lui-même de « plus sérieux problème de sécurité interne de l’Inde ». Il trouve ses racines essentiellement dans des difficultés relatives à l’usage de la terre. La Commission nationale du Plan a analysé ce problème et confirme que le Naxalisme se développe sur le terreau de problèmes agraires non résolus. Elle relève huit causes qui alimentent la menace maoïste dans les zones tribales : vente et transfert de propriété à d’autres Tribaux, dettes (d’où vente à un prix dérisoire), éviction de Tribaux par des non Tribaux ou par les pouvoirs publics, privatisation de terres communautaires, Tribaux accusés d’empiéter sur les zones forestières dont ils dépendent traditionnellement pour leur survie, absence de titres de propriétés officiels pour des terres domaniales attribuées à des Tribaux, changements dans l’environnement en zones tribales obligeant les gens à partir, grands projets (programmes d’irrigation, centrales énergétiques, urbanisation…) qui forcent les populations tribales à déguerpir en masse.

Tous les marcheurs à qui j’ai parlé (Malthu de Kosalpur au Madhya Pradesh, Puran Chand du Chhattisgarh, Shobh Lal du Bihar, Ram Dulari de l’Uttar Pradesh, qui avait son bébé de quatre mois dans les bras), tous étaient des gens sans terre, ayant perdu leur lopin face à un gros projet industriel ou une initiative des pouvoirs publics. Parfois c’était la Direction des forêts qui « récupérait » (disait-elle) une portion de terre domaniale. Ils étaient agriculteurs, ils sont maintenant obligés de quêter un petit travail au jour le jour, sans aucun interlocuteur pour réclamer justice. L’Administration ne les écoutait pas ; n’ayant rien à perdre, ils ont donc participé à cette marche avec l’énergie du désespoir. Au moins là il y avait une lueur d’espoir pour des temps à venir.

Il est à noter que plus de 250 étrangers venus de 12 pays différents participaient aussi à la procession, à titre individuel ou comme représentants de divers mouvements des Droits humains. A cette occasion, ils ont eu la chance de s’impliquer dans une authentique satyagraha gandhienne. Témoin ce Jacques Vellut, un Belge de 67 ans, militant associatif de longue date : « Cette marche est tout à fait dans l’esprit de Gandhi, à savoir la manifestation non-violente de la vérité (= satyagraha). J’ai été profondément touché par le sort de ces gens. »

Espérons que le gouvernement indien sera tout autant sensible au sort de ces personnes et qu’il tiendra ses promesses.

date de mise en ligne : 11 décembre 2007

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