Pologne : gauche fragmentée, mouvement social divisé

Tel était, jusqu’à il y a quelques mois, l’axiome qui régissait la Pologne : deux Forums sociaux se développaient en parallèle, sans que pour autant rien ne les distingue sur le fond. "Cette division est une mauvaise tradition" souligne Roman Debski, 57 ans, collaborateur à L’Ouvrier de Silésie, mensuel proche de la gauche indépendante polonaise et impliqué dans le premier Forum social polonais. "En Pologne, le mouvement altermondialiste est à la fois isolé et très peu connu. Il subit une censure de fait des médias et du gouvernement, qui ne veulent voir en lui que des hooligans manipulés par des nostalgiques du communisme".

Pourtant, le “stress social” est une réalité, après une décennie qui a vu, dans ce pays fortement industrialisé, se succéder restructurations et vagues de licenciements. La Pologne, autrefois 13ème pays le plus industrialisé, accueille aujourd’hui Moulinex, Thomson ou Fiat, qui y délocalisent leurs unités. Dans ce pays où une grande partie de la population vit au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté, le coût du travail est 5 ou 6 fois moins élevé.

Scepticisme

Mais après une période d’illusion sur les vertus du capitalisme, la population doute. Pour preuve, le scepticisme sur l’adhésion à l’Union européenne. Seuls 54% des électeurs ont participé au référendum. Rien d’étonnant donc à ce que les représentants du monde du travail soient aux premières loges de ce mouvement social, à commencer par les premières “victimes” des années de libéralisme à tout crin : les chômeurs.

Les organisateurs du premier Forum social polonais ont dont été le Comité de défense des droits de chômeurs et la Fédération des comités de défense des droits de chômeurs de Poméranie. A leurs côtés, des syndicalistes (la centrale OPZZ, qui regroupe les travailleurs des chantiers navals, Solidarnosc...), des fonctionnaires en prise directe avec les questions d’emploi, le Planning familial... A noter l’absence de mouvements liés à l’Eglise polonnaise, conservatrice. Par contre, les représentants des Marches européennes contre le chômage (l’Europe compte 18 millions de chômeurs) étaient bien présents...

"A ce Forum, témoigne Roman Debski, des mères ont raconté leurs démarches quotidiennes, la recherche de travail, les manifestations devant les directions du Travail ou devant le Parlement de Varsovie... précisant que si de nombreux chômeurs ne sont pas venus au Forum, c’est parce qu’ils étaient occupés à cueillir dans les forêts des champignons ou des myrtilles pour les vendre au bord de la route." Des chômeurs que des officiels n’hésitent pourtant pas à critiquer pour leur manque d’esprit d’entreprise, ou à accuser de boire de la vodka en attendant que les autorités leur donnent du travail...

Axe Est

Pour les Polonais, l’un des enjeux importants du FSE de St-Denis sera la rencontre avec les mouvements sociaux de l’Est. La conscience de la similitude des problèmes qui se posent aux uns et aux autres (privatisations, licenciements, accès aux soins, l’arrogance des nouveaux nantis qui, bien souvent, sont les anciens apparatchiks...) est importante.

Si la notion de solidarité internationale progresse en Pologne, c’est avant tout dans le sens Ouest-Est. L’heure n’est pas encore venue d’une ouverture vers les pays du Sud. Il est encore trop tôt. Roman Debski : "Il y a en Pologne une grande méconnaissance du Sud. Aujourd’hui, la Pologne, qui vient d’envoyer 2 500 soldats en Irak, regarde avec beaucoup de servilité vers les Etats-Unis...". En attendant, c’est 300 Polonais qui sont attendus au Forum de St-Denis, pour retrouver leurs frères de l’Est... et de l’Ouest.