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Courrier de la planète

Nécessaires migrations

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> " Migrations internationales chaînon manquant de la mondialisation", n° 81, mai 2007

Entretien avec Stephen Castles, International Migration Institute

Depuis les années 1970, les flux mondiaux de migration se sont énormément développés, tout en restant à des niveaux comparables à ceux connus durant la phase précédente de mondialisation, à la fin du XIXe siècle. Le manque de coopération internationale en la matière privilégie des solutions nationales étriquées et souvent polluées par des postures politiques réfractaires. Pourtant, on le sait, les flux de migration continueront et seront même absolument nécessaire dans certaines régions du monde, comme en Europe, où les perspectives démographiques sont alarmantes. Revue d’un phénomène majeur des transformations sociales contemporaines avec un professeur de l’université d’Oxford.

Courrier de la planète : Quelles sont aujourd’hui les grandes tendances des migrations internationales ? Steven Castles : Il est désormais largement reconnu que la mobilité internationale des personnes est inextricablement liée aux autres flux de la mondialisation, capitaux et marchandises, et qu’en ce sens, les migrations représentent l’une des forces motrices des transformations sociales à l’œuvre dans la période actuelle. Il est donc très important de comprendre les causes et les caractéristiques des migrations internationales, de même que les changements sociaux qui en découlent. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la mondialisation a développé des institutions internationales pour gérer les mouvements de capitaux et de marchandises, comme le Fonds monétaire international ou l’Organisation mondiale du commerce, alors que rien de tel n’existe pour encadrer les migrations.

Les migrations internationales se développent très rapidement depuis la fin des années 1970 : le nombre total de migrants (personnes résidant plus d’un an en dehors de leur pays de naissance) a doublé entre 1975 et 2000 pour atteindre 200 millions de personnes en 2005, soit 3 % de la population mondiale, ce qui reste faible et très comparable aux niveaux du début du XXe siècle.

Mais il faut compter avec les migrations internes qui, dans certains grands pays, sont extrêmement importantes, comme en Inde, où on compte 100 millions de migrants, ou encore en Chine, où il en existe 200 millions, voire plus. Les migrations sont concentrées dans un nombre réduit de régions et de pays, raison pour laquelle elles sont devenues un sujet politique d’une telle importance : 60 % des migrants vivent aujourd’hui dans les pays les plus riches, où près d’une personne sur dix est un migrant, contre une personne sur soixante-dix dans les pays en développement (PED).

En 2005, selon les Nations unies, les mouvements migratoires se répartissaient comme suit : Sud-Sud (61 millions de personnes), Sud-Nord (62 millions), Nord-Sud (14 millions) et Nord-Nord (53 millions). Ces vingt dernières années, la progression des mouvements migratoires n’a concerné quasiment que les mouvements Sud-Nord. C’est le flux qui augmente le plus rapidement, celui qui semble le plus problématique dans le débat public. Tous les autres flux sont restés constants.

Aujourd’hui, les frontières les plus significatives ne sont plus celles qui existent entre les Etats-nations mais entre le « Nord » et le « Sud », à savoir entre les pays riches d’Amérique du Nord, d’Europe de l’Ouest, d’Asie et d’Océanie et des pays plus pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Le « fossé Nord-Sud » n’est évidemment pas d’ordre géographique, mais il est politique et social. Il n’est pas non plus absolu : le « Nord » comprend des zones et des groupes sujets à l’exclusion, quand le « Sud » comprend des villes et des franges de population prospères. Il existe également de vastes zones géographiques ou groupes de personnes qui se situent dans des positions intermédiaires, ou de transition. Le « fossé Nord-Sud » n’est donc qu’une expression générale, utile pour décrire les disparités en termes de revenus, de conditions sociales, de sécurité et de droits de l’homme. Ce fossé crée une pression considérable pour migrer à la recherche de meilleures conditions de vie et de plus grandes libertés individuelles.

Cdp : Géographiquement, comment sont distribués les flux de migration dans le monde ? S. C. : Les grands flux migratoires vont principalement de l’Afrique vers l’Europe, de l’Amérique latine vers les Etats-Unis ou le Canada et des pays asiatiques comme l’Indonésie ou les Philippines vers le Japon, les Etats-Unis, les pays du Golfe ou l’Europe. Avec près de vingt millions de personnes qui vivent dans d’autres pays, y compris la deuxième génération née à l’étranger, l’Inde est le plus grand pays de migrants. La plus forte proportion de migrants rapportée à la population totale du pays se trouve aux Philippines et au Mexique, où 10 % de la population a migré. Le plus grand pays receveur est toujours les Etats-Unis : 35 millions de résidents sont nés à l’étranger, soit 12 % de la population. En Europe de l’Ouest, cette proportion est de 10 %, avec 32 millions de personnes nées ailleurs. Le plus fort taux d’immigrants est en Australie, avec 4 millions de personnes, soit 23 % de la population totale. Si on ajoute la seconde génération d’immigrés, née en Australie, ce taux représente plus de 40 % de la population. Généralement, les populations immigrées sont concentrées dans les grands centres urbains et c’est Toronto qui connaît la plus forte proportion de population immigrée au monde (44 %).

Cdp : Quels sont les différentes formes de migrations ? S. C. : La forme de migration la plus importante est d’ordre économique : il s’agit de personnes quittant volontairement leur lieu de résidence d’origine dans le but d’améliorer leurs conditions de vie. Cette migration prend des formes légales, pour des contrats de courte durée par exemple, et illégales, qui répondent souvent à une demande : la main-d’œuvre clandestine est beaucoup plus malléable, moins protégée et peut donc être payée moins chère. Les Etats-Unis abritent ainsi près de 12 millions de personnes en situation illégale. La Malaisie compte elle deux millions de travailleurs immigrés qui, pratiquement tous, ne possèdent pas de documents de séjour. Dans l’UE, on estime qu’il existe entre 3 et 5 millions de travailleurs clandestins, dont 500 000 en Grande-Bretagne. Il existe un discours dual sur la question : les gouvernements affirment haut et fort vouloir lutter contre l’immigration clandestine mais ne prennent pas les mesures efficaces qui s’imposeraient, à savoir condamner fermement les employeurs. Lire la suite de l’entretien

date de mise en ligne : 10 mai 2007

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