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VOLOVITCH Raphaël

Forum social européen : l’enjeu des élargissements

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> Peulpes en marche, n°189, octobre 2003

Le Forum social européen de Paris/St-Denis sera un succès s’il parvient à mener de front deux ouvertures : l’une, géographique, vers l’Est. Et l’autre, humaine, en impliquant la population.

A l’heure où nous bouclons ce numéro consacré au Forum social européen de Paris/St-Denis du 12 au 15 novembre prochain, si " l’événement " en lui-même n’a pas encore eu lieu, il est tout de même d’ores et déjà possible de tirer un bilan du processus de préparation de ce Forum social européen, et de situer les enjeux sur lesquels il sera sinon jugé, du moins évalué C’est même l’enjeu de ce numéro spécial de Peuples en marche.

Retour en arrière. Après le deuxième Forum social mondial qui s’est tenu du 31 janvier au 5 février 2002 à Porto Alegre, des Forums sociaux continentaux ont été organisés, notamment en Afrique (Mali, Ethiopie), en Asie (Inde), en Amérique du Sud (Quito) et en Europe, avec le premier Forum social européen, organisé à Florence, en novembre 2002.

Se sont également déroulés plusieurs dizaines de Forums sociaux nationaux (Portugal, Nouvelle-Zélande, Belgique, Venezuela, Norvège, Maroc, Pérou...). Des Forums sociaux thématiques ont eu lieu : à Carthagène (Colombie) sur la démocratie, les droits de l’Homme, les guerres et trafics de drogue ; mais aussi en Argentine et en Palestine. Enfin, dans divers pays ont été mis en place de nombreux Forums sociaux locaux. Tous ces Forums ont vu le jour sur la base de la Charte de principes du Forum social mondial. Selon l’article premier de cette Charte, "le Forum social (mondial) est un espace de rencontre ouvert visant à approfondir la réflexion, le débat d’idées démocratique, la formulation de propositions, l’échange en toute liberté d’expériences, et l’articulation en vue d’actions efficaces, d’instances et de mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme, et qui s’emploient à bâtir une société planétaire axée sur l’être humain".

Cet article de la charte (lire p.18) et les suivants dessinent un espace original dont il est important de cerner quelques caractéristiques si l’on veut en faire bon usage et en retirer toutes les richesses.

Espace de débat

La force du Forum tient à ce qu’il arrive à réunir des courants politiques, idéologiques, religieux, culturels très différents. Selon Chico Whitaker, l’un des initiateurs du Forum social mondial : "[des] “militants” de tant de luttes, dont beaucoup étaient séparés depuis longtemps par des options idéologiques et partidaires différentes, trouvent dans le Forum une occasion inédite de se connaître et, si possible, de s’articuler pour vaincre les divisions auxquelles ils ont été poussés par les dominants". Intuition géniale : le Forum incarne la volonté de ne pas nier les divergences d’opinions mais plutôt d’organiser leur confrontation, révéler les contradictions entres les acteurs sociaux plutôt que les étouffer. En cela, il est un formidable espace de débat.

Espace de diversité

Pour arriver à faire cohabiter cette diversité d’acteurs, le Forum garantit un espace “horizontal”. En effet, ce caractère non-hiérarchique permet d’éviter que les logiques de pouvoir ne viennent court-circuiter la réflexion collective. Dans cette logique, personne ne peut parler au nom d’un Forum. Celui-ci est en quelque sorte un espace neutralisé où chacun dépose les armes à l’entrée. Les partis politiques, qui sont des appareils de conquête de pouvoir, se voient donc attribuer un statut particulier vis-à-vis du Forum : ils sont invités à venir écouter ce qui s’y dit mais ils ne peuvent pas participer en tant que tel.

Ce principe rompt avec une lourde tradition où les logiques compétitives sont à l’intérieur d’un mouvement. Une tendance finit par l’emporter, qui fonctionne par élimination. Ecole de la diversité, le Forum nous apprend que celle-ci est un atout et un vrai projet stratégique de transformation du monde.

Espace de visibilité

S’il ne donne pas lieu à une déclaration finale, le Forum donne une publicité des débats qui y ont lieu. A l’occasion du prochain Forum social européen, les 55 séances plénières, les 250 séminaires prévus et quelque 300 ateliers feront l’objet d’un travail de restitution qui devrait mettre en avant les propositions concrètes d’alternatives au néo-libéralisme ainsi que les moyens de les mettre en œuvre.

Espace de renforcement des liens

Pendant l’événement proprement dit mais surtout pendant les longs mois de préparation, le Forum devient donc un espace de rencontre entre des courants politiques, idéologiques, religieux, culturels qui apprennent à se reconnaître, à se comprendre puis à travailler ensemble. Le Forum permet donc à des organisations de venir chercher en son sein des regroupements plus larges et des articulations pour agir. La montée en puissance du Forum ne doit donc pas se mesurer à sa structuration mais au nombre et à la diversité des structures qui y participent.

De ce point de vue, si l’objet de ce numéro spécial de Peuples en marche est notamment de dresser le bilan du processus de préparation du Forum social européen de Paris-St-Denis, il est également de mesurer l’avancée des “élargissements” du Forum sur deux axes : l’un géographique, l’autre social.

Elargissement géographique : un mouvement citoyen européen en gestation

Le contexte européen est marqué par un paradoxe : les réseaux de mouvements sociaux y sont denses mais mal articulés entre eux au-delà des frontières. La faiblesse de l’intégration des luttes européennes est d’autant plus flagrante que l’Union européenne constitue un “adversaire” incontournable et donc clairement identifiable. La tenue du Forum social européen avec un spectre très large d’acteurs, dont les syndicats, représente donc une étape importante dans la dynamique d’européanisation des protestations.

En ce qui concerne la préparation du prochain Forum, la participation a été très contrastée selon les pays. Si les acteurs des pays du Sud de l’Europe sont très présents (Italie, Espagne, Grèce et bien sûr France) et si certains pays de l’Europe centrale et orientale sont au rendez-vous (Hongrie, Pologne et Russie), les pays du Nord de l’Europe sont quasiment absents du processus. Notons que nombre d’acteurs sociaux non-européens seront présents à l’occasion de l’événement. Leur présence donnera un éclairage extérieur intéressant aux problématiques européennes.

Elargissement social : le devoir de réussite

"Eviter que ce Forum soit encore celui des classes moyennes, des étudiants", voilà ce que signifie l’élargissement social. Celui-ci est recherché dans un contexte de crise de médiations traditionnelles de notre société (syndicats, mouvements de jeunesse, d’éducation populaire, associations culturelles). Devant cette difficulté d’ancrage social, on a souvent invoqué la nécessité pour tous les acteurs d’opérer un “retour” sur le terrain. Il faut ici rappeler le rôle moteur du mouvement des “sans” (Droit au Logement, Droits devants, Marche des chômeurs) qui se sont regroupés au niveau mondial en un réseau, No vox, qui plaide notamment pour que la représentation des populations les plus éprouvées par les logiques libérales soit renforcée au sein des Forums.

La bonne surprise de cette deuxième édition du Forum social européen pourrait venir de son déroulement à l’intérieur de banlieues populaires de la région parisienne (St-Denis, Bobigny, Ivry). Le processus de préparation a vu une formidable mobilisation des organisations locales si bien que le risque d’un Forum off-shore, où les habitants de la région ne mettraient pas les pieds, semble aujourd’hui conjuré.

Reste que d’une manière générale, l’avenir de la culture “Forum” se joue dans les Forums sociaux locaux qui se multiplient aujourd’hui en France. S’ils devaient associer de plus en plus de citoyens à leurs débats, s’ils pouvaient ensuite refonder un processus ascendant, se multiplieraient alors les chances de voir émerger un projet social alternatif au néo-libéralisme. Le potentiel des Forums se cache dans cette culture de l’ouverture, de la diversité, qui permet en quelque sorte de libérer le rapport au politique. D’ailleurs, le terme “élargissement” fait lui-même référence à deux idées : il signifie "rendre plus large", mais aussi "mettre en liberté".

document de référence rédigé le : 1er octobre 2003

date de mise en ligne : 6 septembre 2004

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