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MARNELI Soheila

Sahrahouis, Palestiniens, Tibétains, Papous... Les peuples privés d’Etat

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> Peuples en marche, n°188 - septembre 2003

Alors que les Nations unies affirment pour tous les peuples le principe de "libre détermination", ce droit se trouve limité à un certain nombre de situations. Et surtout, le droit des peuples a cédé la place à celui des Etats. Analyse, assortie de quelques exemples.

L’expansion du commerce international à partir du début du XIXème siècle nécessitait, entre autres, l’existence de frontières stables et définies et le changement de la carte du monde. Une réponse à cette préoccupation fut apportée au lendemain de la Première guerre mondiale et le tracé des frontières au profit des intérêts des puissances victorieuses.

Ainsi par exemple, au Moyen-Orient, en dépit de la Déclaration en 14 points du Président américain Woudrow Wilson, notamment le point 12 concernant la libération des peuples soumis à la domination ottomane, les Arméniens et les Kurdes ont été sacrifiés.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l’organisation des Nations Unies qui naît des cendres de la Société des Nations estime dans l’article 1er, paragraphe 2 de sa Charte, avoir pour but de "développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde".

En 1952, la résolution 637(VIII) de l’Onu déclare que le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes est une condition préalable de tous les droits fondamentaux de l’Homme. Le 14 décembre 1960, la résolution 1514 de l’Assemblée Générale déclare que "tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique"...

Cependant, la Charte de l’Onu précise que ce droit s’exerce seulement dans trois situations : domination coloniale, régime d’apartheid, occupation étrangère.

Droit des Etats contre droit des peuples

Après le processus de décolonisation et l’accession à l’indépendance de nombreux pays colonisés, la communauté internationale représentée par les Etats membres de l’Onu, a décidé de reconnaître ce droit à l’autodétermination des peuples seulement aux Etats... et non plus aux peuples : selon la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies (24 octobre 1970), c’est chaque Etat et non plus chaque peuple qui a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel.

Depuis, le droit international avec ses sacro-saints principes d’intégrité territoriale, d’inviolabilité et d’intangibilité des frontières, et du respect de la souveraineté des Etats, a renforcé les décisions de l’Onu et complique davantage la reconnaissance des droits des peuples à l’autodétermination politique.

De ce fait, les principes de la souveraineté et du droit à l’autodétermination politique ne s’appliquent pas aux peuples non constitués en Etat indépendant. Ils ne peuvent pas décider de leur statut politique parce que leur situation est incompatible avec les normes prédéfinies par l’Onu. Palestiniens, Kurdes, Sahraouis, Tibétains ou encore les Papous de la Papouasie occidentale, peuples à part entière, sont privés de statut juridique internationalement reconnu parce qu’ils sont dépourvus d’Etats indépendants propres, et parce que leur situation n’est pas considérée comme relevant d’une domination coloniale, d’un régime d’apartheid ou d’une occupation étrangère. Pourtant, fluctuant au gré des aléas de la géopolitique et de l’état des rapports de forces internationaux, quelques résolutions de l’Onu traiteront du cas des Palestiniens, des Sahraouis et des Tibétains.

Au fil des résolutions de l’Onu...

La résolution du 22 novembre 1974 de l’Onu évoque les droits inaliénables du peuple palestinien à l’autodétermination sans ingérence extérieure et son droit à l’indépendance et à la souveraineté. Mais ce droit, envisagé par les accords d’Oslo de 1993, tarde à se réaliser. Les Palestiniens, dans le désespoir de créer leur propre Etat, redoublent de violence, et subissent de plein fouet les exactions de l’armée israélienne.

Les Sahraouis se voient dénier leur droit à l’indépendance au profit du Maroc, avec la complicité tacite de la communauté internationale. Par le plan de paix de 1990, élaboré sous l’égide des Nations Unies, le Maroc accepte le principe d’un référendum d’autodétermination sur l’indépendance ou l’intégration du Sahara Occidental au Maroc. La Minurso (force des Nations unies) est déployée dans la région à partir de 1991. Depuis, l’opération qui devait avoir lieu en quelques mois reste au point mort. Les blocages et reports successifs se sont cristallisés sur l’identification du corps électoral. Le plan de paix prévoit plutôt une autonomie dans le cadre du Maroc (ce qui, en l’état actuel, conduira à une intégration sanctionnée par un référendum), où tous les habitants participeront quelle que soit leur origine, dès lors qu’ils résident depuis un an au Sahara Occidental. Pourrra-t-on douter de l’issue d’un tel référendum ?

Le droit à l’autodétermination du peuple tibétain a été reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies notamment dans la résolution 1723 (XVI) de 1961, et confirmé en 1965 par la résolution 2079 (XX). L’armée chinoise a envahi et occupé le Tibet en 1949 et 1950 et, depuis, les Tibétains sont niés jusque dans leur spécificité culturelle. La République populaire de Chine estime ne reconnaître aucune résolution de l’Onu précédant son entrée dans l’Organisation. Bien qu’aucun document officiel de l’Onu ne confirme cette décision unilatérale de la Chine, les Etats membres de l’Onu ont accepté l’état de fait par consensus, et le peuple tibétain se trouve privé de ses droits fondamentaux.

Des majoritaires minoritaires...

Les Kurdes restent pour le moment les laissés-pour-compte. Leur cas est particulièrement complexe, d’autant que les Etats dans lesquels ils vivent s’opposent farouchement à la reconnaissance de leurs droits les plus fondamentaux. Voilà un des groupes ethniques le plus important au monde, doté d’une langue, d’un territoire, d’une culture et d’une histoire, partagé entre quatre Etats et privé de son droit à l’autodétermination politique. Majoritaire sur son territoire, le peuple kurde est cantonné dans le cadre restrictif de minorité et semblent être condamné à rester divisé et opprimé. L’unique document international reconnaissant le droit du peuple kurde à l’autodétermination politique sous forme de création d’un Etat indépendant est le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920.

Sortis de la colonisation hollandaise, les Papous de la Papouasie occidentale sont passés sous domination indonésienne le 15 août 1962, en vertu de l’accord de New York, dans l’attente d’un libre choix. Cet accord prévoyait l’organisation d’un référendum avant 1969 afin de consulter les populations papoues sur le rattachement définitif de la Papouasie occidentale à l’Indonésie ou son accession à l’indépendance. Le scrutin, marqué d’énormes irrégularités, a rattaché la Papouasie occidentale, dite l’Irian Jaya, à l’Indonésie. La région a fait l’objet d’une véritable politique de colonisation. Depuis le renversement de la dictature de Suharto, le Timor oriental a accédé à l’indépendance et l’Irian Jaya a retrouvé son nom d’origine : West Papua. Cependant, c’est la toute puissante armée indonésienne qui tient les rênes du pouvoir, notamment sur la question de l’indépendance de la Papouasie occidentale...

Changer la carte du Moyen-Orient

Mais aussi immuables qu’ils puissent paraître, les principes du droit international sont ébranlés ici et là. Les frontières ont changé, les Etats indépendants se sont disloqués, et d’autres Etats en sont nés. En Afrique, l’Erythrée a accédé à l’indépendance, et en Europe certains Etats fédérés de l’ex-Yougoslavie sont devenus des Etats indépendants. La question palestinienne devra trouver tôt ou tard une solution sous forme de la création d’un Etat indépendant. Les Nations Unies devront résoudre la question du Sahara Occidental. Les Tibétains revendiquent un statut d’autonomie au sein de la Chine. Il est difficile d’envisager que les Kurdes resteront les éternels oubliés de l’Histoire.

La guerre en Irak menée par la coalition anglo-américaine a considérablement changé le cours des relations internationales et inter-étatiques. En ce début du XXIème siècle, il est question de changer la carte du monde, au moins au Moyen-Orient. La communauté internationale semble plus que jamais divisée à ce sujet. Le maintien ou non du statu quo dans cette région sera sans doute un des débats centraux des discussions diplomatiques pour de nombreuses années.

Cette guerre a, par ailleurs, affaibli la communauté internationale et son institution la plus représentative, les Nations Unies. Celle-là, sensée réunir les peuples et les nations dans une institution, est devenue un simple club d’Etats, où les peuples et les nations non constitués en Etat, n’ont pas voix au chapitre (lire aussi article consacré à l’Onu dans notre dossier “Gouvernance”).

Afin de refuser la violence et la violation des droits fondamentaux de l’Homme et des peuples, afin également de redonner sa légitimité à l’Onu, il n’y a pas d’autre choix qu’un retour aux valeurs fondatrices de l’Organisation. Le groupe de travail sur les populations autochtones accomplit un travail honorable d’information et de sensibilisation auprès de la Commission et la Sous-commission des droits de l’Homme de l’Onu. Cependant, doté d’un pouvoir consultatif, ce groupe n’a pas de réelle emprise sur les instances décisionnelles de l’Organisation. Une des mesures apaisantes dans les relations internationales des Etats et des peuples serait de créer un mécanisme international de protection pour les peuples non constitués en Etat, sous l’égide de l’Onu. Ce mécanisme, entre autres fonctions, déciderait de l’organisation de référendums afin de connaître le désir des populations concernées conformément au principe des droits des peuples à disposer de leur sort.

document de référence rédigé le : 1er septembre 2003

date de mise en ligne : 2 septembre 2004

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