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APOTEKER Arnaud

Soja : de l’espoir au moratoire. Vers un Brésil transgénique ?

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> Peuples en marche, n°192, janvier/février 2004

Les atermoiements du gouvernement de Lula sur la question des OGM nourrissent les déceptions. Les premières mesures autorisant la commercialisation - provisoire - de soja génétiquement modifié et cultivé illégalement déçoivent. Une coordination “Pour un Brésil sans OGM” s’est constituée.

On entend beaucoup dire que le Brésil s’est ouvert aux OGM. Mais pourquoi s’intéresse-t-on tant à ce pays ? Le Brésil est le deuxième exportateur mondial de soja. Il a donc une importance cruciale aux yeux de l’industrie agroalimentaire européenne : en effet, contrairement aux Etats-Unis et à l’Argentine - qui cultivent massivement du “soja-OGM”- le Brésil interdisait jusqu’à présent sa culture. Grâce au Brésil, l’industrie agroalimentaire européenne pouvait donc proposer au consommateur européen un soja “conventionnel”. L’élection de Lula à la présidence de la république a soulevé un grand enthousiasme, pour son inclinaison à résister au

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Le Brésil produit 52 millions de tonnes de soja par an. Les exportations sont de 18,5 millions de tonnes, soit environ 38% de la production nationale brésilienne.

lobbying de Monsanto et des autres multinationales des OGM, ainsi que pour sa promesse électorale d’instaurer un moratoire sur les OGM et d’appliquer le principe de précaution.

Hélas, les premières mesures du gouvernement Lula sont très décevantes pour les militants opposés à une commercialisation des OGM. En 2003, Lula a établi deux mesures provisoires. D’une part pour autoriser la vente du soja génétiquement modifié de la récolte 2002-2003 planté massivement - et illégalement - par des milliers de paysans de l’Etat du Rio Grande do Sul à partir de semences importées d’Argentine (mesure MP113, printemps 2003). D’autre part pour permettre aux agriculteurs qui avaient conservé des semences OGM de l’année précédente de les planter en 2004 (mesure MP131, automne 2003). Cette loi, en plus de légaliser la contrebande, stipule que la responsabilité d’éventuels dommages environnementaux dus aux cultures transgéniques incombera aux agriculteurs, l’entreprise à l’origine de ces OGM (Monsanto, en l’occurrence) étant dédouanée par avance de toute responsabilité... quand bien même il est de notoriété publique que Monsanto a, sinon favorisé, du moins fermé les yeux sur cette contrebande. Le Sénat brésilien vient d’ailleurs de demander la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la contrebande de semences transgéniques depuis l’Argentine... Enfin, les agriculteurs ont le droit de multiplier leurs semences, ce qui leur permettra probablement de refaire pression pour obtenir une nouvelle autorisation “provisoire” en 2005.

Opposition de la société civile

Les discussions parlementaires sur ces mesures provisoires ont été suivies de près par 500 militants de la campagne nationale “Pour un Brésil sans OGM” et du Mouvement des paysans Sans Terre qui ont campé devant le Parlement fédéral en attendant la fin des délibérations.

Cette campagne “Pour un Brésil sans OGM” fut initiée, entre autres, par Greenpeace dès 1999, pour inciter à la mobilisation contre le commerce d’OGM qui commençait à s’instaurer au Brésil. Cette coalition, qui regroupe un grand nombre d’entités nationales et internationales aux objectifs d’action différents (défense des droits des consommateurs, environnement, agriculture familiale et écologique...), a permis d’informer et sensibiliser le grand public brésilien à l’ouverture du pays aux OGM.

Se joue donc au Brésil une bagarre féroce autour de la mise en place de cette législation. Est-ce à dire que le Brésil risque de ne plus être une source majeure de soja non OGM ? On n’y est pas encore : le Brésil demeure aujourd’hui un grand pays producteur de soja non OGM puisque plus de 90% de sa production reste non-transgénique. De plus, les deux mesures provisoires concernent l’Etat du Rio Grande do Sul presque exclusivement. L’Etat voisin, le Parana, deuxième Etat producteur de soja au Brésil, considérant son avenir commercial prometteur dans une filière “sans OGM”, a voté des mesures extrêmement strictes pour interdire la culture, la commercialisation et le transport de soja génétiquement modifié sur son territoire. Il a même voulu se déclarer “Etat sans OGM”, ce qu’a refusé le gouvernement fédéral.

Cependant, le port de Paranagua, principal port d’exportation du soja brésilien, restera sans OGM : les autorités portuaires considèrent en effet impossible de gérer une filière “soja-OGM” et une filière “soja conventionnel”. L’exportation de soja transgénique à partir de cet Etat est donc rendue, de fait, impossible.

En réaction, le gouvernement a pris la décision d’investir dans trois ports d’autres Etats du pays afin de permettre l’écoulement de soja OGM. Mais la bataille se poursuit et l’Etat du Mato Grosso, premier Etat producteur brésilien de soja, vient de statuer qu’aucun soja OGM ne pouvait être planté sur son sol.

Provisoire...

Quoi qu’il en soit, il est important de rappeler que les deux mesures déjà adoptées ne sont que provisoires, à effet seulement jusqu’à 2004. Dans le même temps, le Brésil cherche à se doter d’une loi générale sur les OGM afin d’éviter les impasses juridiques observées pour le soja, autorisé avant d’être bloqué par Greenpeace et l’association brésilienne des consommateurs (Idec) en 1998. Lula vient de soumettre au Parlement brésilien un projet de loi sur les OGM, qui, s’il était réellement mis en œuvre, rendrait singulièrement plus difficile l’autorisation de disséminations d’OGM au Brésil. Mais il est à craindre que l’influence de la “bancada ruralista” (ensemble de députés et sénateurs intéressés à la question agricole) rende cette loi plus perméable aux volontés des promoteurs d’OGM...

En attendant le vote de ce projet de loi, l’urgence est de convaincre les producteurs brésiliens de ne pas cultiver d’OGM. En avril prochain entreront en vigueur les règlements européens sur l’étiquetage et la traçabilité, qui stipulent que les aliments contenant plus de 0,9% d’OGM doivent être étiquetés, que ce soit pour l’alimentation humaine ou animale (qui représente plus de 80% du soja cultivé). Greenpeace continue sa campagne pour exiger que les animaux consommés - ou dont nous consommons les produits dérivés (œufs, lait...)- soient nourris avec des produits non génétiquement modifiés. En exigeant qu’il n’entre pas d’OGM dans la chaîne alimentaire, les consommateurs européens peuvent permettre que les cargaisons d’OGM du Rio Grande do Sul et d’ailleurs soient refusées par les acteurs français de l’agroalimentaire. Et montrer à Lula et aux producteurs brésiliens qu’il est dans leur intérêt de ne pas produire d’OGM. 



OGM : quels risques ?

  • Risques environnementaux - contamination des plantes domestiques et sauvages, impacts négatifs sur la biodiversité environnant les espaces de culture.
  • Risques sanitaires - aucune étude n’a été effectuée sur le long terme pour établir si, oui ou non, consommer des OGM ou des produits dérivés d’OGM représente un risque pour la santé animale et humaine. On peut craindre de nouvelles allergies ou de nouvelles maladies causées par les OGM.
  • Risques économiques - tout agriculteur souhaitant cultiver des OGM doit s’acquitter du droit de brevet déposé par l’entreprise vendant l’OGM, coût financier important (puisque imposé chaque année), les agriculteurs ayant pour tradition de conserver les graines de leur récolte d’une année sur l’autre, évitant ainsi d’en racheter chaque année.


En savoir Plus

- Ouvrages, revues

  • CANDIDO Mendes, Lula et l’autre Brésil, Paris, IHEAL, 01/2003, 77 p.
  • RIBEIRO Renato, intellectuel brésilien progressiste, dresse le bilan critique d’un an de présidence Lula : “Lula ne peut faire de la gauche pure”, Libération, jeudi 1er janvier 2004.
  • “Lula, un an après”, Politis, jeudi 30 octobre 2003 (lire suite dans dossier Politis n° 773).
  • “Ce que veut Lula”, Alternatives économiques, 2003/09, n° 217, p. 60-61.
  • “L’Amérique latine en effervescence”, Manière de voir, 2003/07, n° 69, p. 6-98.
  • “Brésil : Lula, l’alternance”, Problèmes d’Amérique latine, automne/hiver 2002, n° 46-47, p. 131-229.

- Sur le web

  • “Le Brésil de Lula : Dix mois de réformisme radical”, Fondation Jean Jaurès, novembre 2003, 6 p.
  • Brésil : Après l’ajustement, le temps des réformes ? Lettre de l’OFCE, n° 242, mercredi 08 octobre 2003, 8 p. (http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/...)
  • “Le Brésil de Lula : Enjeux et perspectives”, Synthèse de la journée du 21 novembre 2002 en partenariat avec l’IHEAL, la Maison de l’Amérique latine et Frères des hommes, Paris, Maison de l’Amérique latine, 18 p. - http://www.france-fdh.org/terra/act...
  • Lula, un an plus tard, Alternatives (Canada), jeudi 27 novembre 2003 http://www.alternatives.ca/article9...
  • Le dirigeant du MST J.P. Rodrigues Chaves accorde encore du temps à Lula. “L’ennemi ? Les latifundistes, pas Lula”, Le Courrier, août 2003. - http://www.lecourrier.ch/index.php?...
  • Site du Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine - http://risal.collectifs.net/
  • Mensuel militant, Inprecor dispose d’un réseau international de correspondant-e-s engagés dans les luttes sociales de leurs pays. - http://www.inprecor.org/

- Expo

  • Le collectif “De l’éthique dans le sucre” propose une exposition sur les conditions sociales des ouvriers des plantations de canne à sucre au Brésil, les “Boisa frias”. Exposition réalisée par trois photographes : deux brésiliens (Daniella Rosario et Ricardo Funari) et un français, (Jean-Louis Gonterre)
    Taille modulable de 15 à 45 photos, accompagnée d’articles du Monde et du Courrier International, ainsi que du “book” sur les photographes (téléchargeable). Elle peut être agrémentée du documentaire “La guerre du sucre : A qui profite la mondialisation ?”, diffusé sur Arte le 25 février 2003.
    Contact : 04 78 50 10 58. / 06 07 32 03 33. http://www.sucre-ethique.org

document de référence rédigé le : 1er février 2004

date de mise en ligne : 19 août 2004

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