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JOBERT Pierre

Indicateurs des droits économiques et sociaux : des indic’ philippins...

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> in Peuples en marche, n°184, mars 2003

Aux Philippines, Philrights veut mettre en place des indices permettant de mesurer le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Sur bien des points, il y a urgence. Rencontre.

A Manille, le gouvernement philippin s’est lancé dans un programme audacieux. Pour reloger des familles qui vivaient dans des bidonvilles éloignés des écoles, il a décidé de faire dans le recyclage : des carcasses de bus ont été récupérées, puis empilées les unes sur les autres. Chaque carcasse compose un étage, et accueille une famille. Comme les carcasses sont vieilles et rouillées, elles sont, il est vrai, parfois un peu dangereuses pour ceux qui les habitent. Qu’importe. A l’orée du XXIème siècle, le gouvernement philippin semble très satisfait de ce nouveau concept d’habitat social, puisqu’il ne craint pas de faire figurer ces “constructions” dans ses statistiques de création de logements.

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Comment définir, aux Philippines, un logement décent ? - Crédits PEM

Clarissa Monillia Yap [1], déléguée philippine au FSM 2003, ne précise pas si le gouvernement a aussi recyclé les pneus des bus pour en faire de jolis puits à l’entrée de ce nouveau type d’habitat social... En revanche, elle précise avec malice que pour elle - qui accuse quelques kilos de trop sur la balance - il serait impossible d’habiter un tel logement. Pas assez solide...

C’est pour lutter contre de telles aberrations que Philrights s’est lancée dans la création d’indicateurs mesurant le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Une transition logique pour cette structure, créée en 1992. « Philrights est née en réaction à la dictature de Marcos, explique Clarissa. A cette époque, les emprisonnements, les actes de torture étaient nombreux. Notre priorité était essentiellement la défense des droits civils et politiques, d’autant que la situation économique était relativement bonne. Mais à partir des années 80, le phénomène de globalisation s’est accentué, et s’est traduit par une augmentation de la pauvreté, d’où la réorientation de notre action. »

Si la chute de Marcos et l’arrivée de Cory Aquino au pouvoir s’est traduite par un meilleur respect des droits civils et politiques, rien n’a fondamentalement changé en matière de droits économiques et sociaux. Exemple : « La réforme agraire avait été engagée sous Marcos. Elle a conduit à une redistribution des terres... aux proches du pouvoir. Après la chute de Marcos, la réforme s’est poursuivie, cette fois au profit du “clan” Aquino, l’un des plus riches des Philippines. »

Rapport alternatif

Ce type de réalité n’apparaît évidemment jamais dans les rapports officiels, par exemple dans celui que doit remettre chaque année le gouvernement philippin aux Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme dans le pays. L’Onu acceptant la remise d’un rapport alternatif, Philrights a décidé d’apporter sa contribution à ce dernier. Comment ? En mesurant la situation des droits humains à l’aide d’indices précis.

Pour mettre au point cette nouvelle “arme” au service des droits, Philrights, soutenue par Terre des Hommes-France, procède par étapes.

Premier acte : un travail de vulgarisation auprès de la population pour populariser la notion de droits économiques, sociaux et culturels. Second acte : mettre en place des indicateurs, les plus précis possibles en enquêtant sur les standards internationaux, en sondant la population sur ce qu’elle considère comme important, enfin en travaillant avec des organisations philippines sur la mise en place de critères précis.

Droit au logement

Par exemple, pour la mise en place d’un indice consacré au droit au logement, Philrights s’est basé sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui affirme (article 25), le droit à un logement décent. Ce principe est repris par la Constitution des Philippines. D’accord, mais que recouvre exactement la notion de “logement décent” ? L’association réalise alors un sondage auprès de 1 800 personnes représentatives de l’ensemble de la population en même temps qu’elle entame une discussion approfondie avec des associations locales. La notion se clarifie alors en fonction des besoins des populations : aux Philippines, un logement décent ce sera, pour une famille de 4 à 6 personnes, 50m2, une porte, une fenêtre, une salle-de-bain, le tout à proximité d’une école. Pas grand chose à voir, donc, avec une carcasse de bus rouillée...

Mais déterminer des indices aussi précis n’est pas toujours aussi facile. Par exemple pour le droit au travail. Quel indice “réaliste” définir lorsque la Convention de l’Organisation internationale du travail affirme (article 1.2.2) le droit au travail pour tous ceux qui en cherchent ? Le bon sens oblige à le reconnaître : le gouvernement philippin n’est absolument pas en mesure de fournir un travail à tous. Philrights s’est donc attaché à travailler la question du point de vue du salaire. Clarissa : « Nous avons déterminé, avec des associations paysannes, de pêcheurs, de travailleurs, plusieurs critères, comme le droit à de bonnes conditions de travail, une égalité dans la promotion sociale, le droit à une protection sociale... »

Pour être utiles, ces indicateurs se doivent donc d’être pragmatiques. « Dans le Pacte de 1966 [2], les Etats s’engageaient dans une démarche progressive. Il est temps de demander à notre gouvernement où il en est de ses engagements. Ce que nous voulons, c’est nous asseoir autour d’une table avec le gouvernement, voir ce que permet le budget, et sur quoi avancer. 50% du budget des Philippines est consacré à l’armement. Sommes-nous menacés d’une attaque ? Si c’est le cas, il faut que notre gouvernement nous le dise... » fait mine de s’inquièter, persifleuse, Clarissa...

Pragmatisme

L’ambition de Philrights est de faire pression sur le Congrès philippin pour qu’il vote, chaque année, des engagements précis et chiffrés. Par exemple sur le nombre de logements à construire. « Ces indicateurs doivent nous permettre de nous inscrire dans une démarche de progressivité. Ce sont des instruments de mesure, une base à partir de laquelle interpeller notre gouvernement sur le rapport qu’il présente aux Nations unies, et qui permette de mesurer les engagements non tenus. » Et empêcher par exemple que des carcasses de bus soient comptabilisées comme de véritables logements.

[1] Membre de Philrights, structure philippine de recherche et d’information rattachée à l’Alliance philippine pour la défense des droits humains.

[2] Pacte additionnel des Nations unies, relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

document de référence rédigé le : 1er mars 2003

date de mise en ligne : 25 août 2004

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