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cartographie interactive >  cultiver la paix  > Tsunami : mission impossible

SAMATH Feizal

Tsunami : mission impossible

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> Notre Terre, 15 février 2005

La bataille semble perdue d’avance. Après la catastrophe du tsunami qui l’a durement frappé, le Sri Lanka essaie désespérément de mettre sur pied un système convenable de gestion de crise. Malheureusement, pour des gens bien informés, tous ces efforts ne déboucheront peut-être sur rien à cause de l’inefficacité des institutions, d’une bureaucratie inepte et la fréquence des changements politiques. Au cours des trois dernières années, il y a eu régulièrement des inondations dans le pays. A en juger par la désorganisation absolue qui a prévalu après le tsunami, on peut se faire une idée de l’efficacité réelle des mesures qui ont été prises après chaque inondation.

Le 26 décembre 2004, les vagues du tsunami ont battu 900 km de côtes, une partie à l’ouest et vers le nord, engloutissant des villages, détruisant des bâtiments, déracinant des arbres, bousculant des véhicules, même le train, balayant tout. On a dénombré 30 000 morts et des milliers de disparus. D’après un rapport de l’UNICEF, la moitié des morts étaient des enfants.

Dulip Jayawardene, fondateur et directeur du Département d’études géologiques du Sri Lanka, (devenu GMSB en 1992) dénonce une absence massive d’initiatives pour faire bouger les choses. « Même après cette catastrophe, personne ne se souciera sans doute de mettre en place un système de veille et d’alerte qui vaille. Et même si une telle structure apparaît, ça ne suffira pas : « Une fois l’alerte lancée, que va-t-il se passer après ? Nous ne sommes pas du tout équipés pour communiquer au plus vite avec la population », fait remarquer un universitaire géologue qui souhaite rester anonyme.

On a accusé le Bureau d’études géologiques et minières (GMSB) de n’avoir pas transmis l’information en temps utile. En guise de réponse, son président, L. Dharmaratne, se contente de dire qu’une hotline fonctionne maintenant entre le Sri Lanka et le Centre d’alerte sur les tsunamis du Pacifique basé à Hawaii, Etats-Unis. « Le Centre nous informera de ce qui est en cours. Auparavant il ne savait pas qui contacter ». L’information sera transmise immédiatement aux services de la Présidence de la République ou du Premier ministre. Il s’agit là d’un arrangement temporaire, et pour l’avenir le gouvernement se propose de créer une cellule de crise (DMA) dotée à la fois d’un système d’alerte approprié et de vastes pouvoirs. La Présidente du pays, Chandrika Kumaratunga, a également suggéré qu’on installe à Colombo, avec l’appui de la France et des Etats-Unis, un Centre d’alerte pour la région Asie du Sud.

Après les inondations, le gouvernement avait créé un centre national de gestion des crises (NDMC) qui employait dix personnes, disposant de trois téléphones, absentes dimanches et jours fériés. Malheureusement le tsunami est arrivé un dimanche. Depuis la catastrophe, il y a quinze personnes et huit téléphones au NDMC. Ce service sera peut-être repris par la DMA, la cellule de crise en projet. Les personnes bien informées craignent que la DMA ne s’enlise aussi dans la bureaucratie, la léthargie, et l’instabilité politique. Au cours des cinq dernières années, le pays a connu trois élections nationales.

Il y a aussi des choses à dire sur les opérations de secours actuelles. La distibution de l’aide est chaotique. Certaines régions reçoivent plus que leur part, d’autres moins que leur part. Une semaine après le drame, certains n’avaient encore rien vu venir. Le gouvernement et les rebelles tamouls s’accusent mutuellement de toutes sortes de turpitudes : pour les rebelles, le gouvernement n’envoie pas assez de secours dans leur zone ; pour le gouvernement, les rebelles s’emparent par la force de camions de ravitaillement.

Le vœu pieux de la protection du littoral

Après la situation chaotique provoquée par le tsunami, le Sri Lanka est maintenant confronté aux multiples difficultés de la reconstruction, notamment l’épineux problème de la protection du littoral. Les pouvoirs publics souhaiteraient maintenant renforcer la réglementation concernant la construction sur le bord de mer, mais le manque de soutien populaire pourrait se révéler fatal.

La côte sri lankaise est parsemée d’hôtels, de gîtes de diverses sortes, de hameaux de pêcheurs. La plupart sont apparus sans l’autorisation de la Direction de la protection du littoral (CCD) du Ministère de la pêche, en violation de la loi de 1981 sur la protection de cet environnement. M. Samaranayoke, directeur de la CCD, fait observer que depuis tout ce temps la réglementation en vigueur n’a guère été respectée du fait de l’intervention d’hommes politiques locaux. « Ils promettent des terrains à des populations démunies qui y construisent leur logis et qui finissent par tout perdre. » M. Samaranayake continue son exposé : « Les caractéristiques des zones non constructibles varient suivant les secteurs. Le long de la côte est, les constructions sont interdites sur une largeur de 100 m. A l’ouest et au sud, cela varie entre 40 et 60 m, suivant l’exposition des lieux. » Mais bon an mal an on apporte quelques modifications à la loi de 1981 pour satisfaire les besoins des politiciens. Le dernier amendement passait en conseil des ministres en décembre 2004, quelques jours avant la catastrophe.

Récemment la Direction de l’urbanisme (UDA) a, de son côté, adopté de nouvelles règles qui, dans le sud, interdisent les constructions sur 100 m à partir de la mer. A l’est, la côte est plus plate et plus vulnérable en cas de raz de marée, et ici l’interdiction s’étend sur 200 m. Au delà et jusqu’à 1000 m, les constructions doivent être en conformité avec la réglementation de l’UDA. Sont autorisés dans la zone non constructible les ports et installations diverses liées à la pêche, les monuments anciens. Les lois et règlements sont là : encore faut-il que les autorités veuillent bien les faire respecter ! L’attribution d’un terrain est une façon très efficace de gagner des voix. Donc l’efficacité des lois et réglementations, anciennes et à venir, dépend en grande partie de l’interventionnisme des hommes politiques.

A cela s’ajoute le fait que les populations concernées n’ont pas du tout envie de bouger malgré ce qu’elles ont enduré. Ayatul Mohamed Haniffa, 47 ans, possède un restaurant-hôtel de treize chambres sur la plage de la jolie baie d’Arugam, sur la côte est. Il ne veut pas bouger : « Je n’irai pas m’installer ailleurs ; je vais reconstruire mon restaurant car la cuisine c’est mon métier ». La baie d’Arugam est classée parmi les vingt premiers sites du monde pour le surf et attire des milliers de touristes chaque année. Les hôteliers craignent de perdre leur clientèle s’ils s’éloignent du bord de mer immédiat, là où veulent être les touristes.

G. D. Susantha est pêcheur à Paiyagala South. Interrogé par l’Agence Reuters, il dit n’avoir pas peur de vivre tout près du rivage. « En tant que pêcheur, il faut bien que je sois près de l’eau. Je n’ai pas peur d’un autre tsunami. Il en arrive seulement tous les deux mille ans. ». Ramalingam Allagamma, du village de Karaitivu, a perdu son mari dans la catastrophe. Elle n’a pas d’idée précise sur ce qu’elle devrait faire : « Si tout le monde s’en va, moi je partirai aussi ». La plupart ne pensent pas comme elle et veulent rester à l’endroit où étaient leur logis et leurs moyens d’existence. Comme la plupart des pêcheurs, l’Eglise a aussi choisi de ne pas appuyer les programmes de délocalisation. La plupart des pêcheurs sont des Chrétiens et la hiérarchie craint que les institutions d’Eglise perdent de leur dynamisme si les fidèles se dispersent.

Même le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui participe au travail de reconstruction, n’est pas partisan du plan de délocalisation. Par principe, cet organisme n’apporte pas sa participation à des déplacements de population qui ne sont pas librement consentis. Par la voix de son chargé des relations extérieures à Colombo, il a d’ailleurs exprimé de sérieuses réserves sur les projets en question : « Tout d’abord, cela oblige des gens qui ont déjà beaucoup souffert à bouger de nouveau. Ensuite la justification de la manœuvre n’est pas très claire. Il faut une politique transparente et rationnelle ». Divers groupements de la société civile partagent les mêmes réserves.

Le directeur de la Direction de la protection du littoral estime qu’on ferait mieux de s’orienter vers des systèmes de veille et alerte et de barrières naturelles. A Bundala, dans le sud-est, à Seenigama dans le sud et à Pottuvil à l’est, les grandes dunes ont freiné l’assaut des vagues et atténué les dégâts. M. Samaranayake profite pour dire également que c’est aujourd’hui le moment ou jamais d’appliquer pour de bon la réglementation et débarrasser les plages des constructions non autorisées.

La Banque centrale estime de 1,3 à 1,5 milliard de dollars le coût de la reconstruction, pour le moment. D’après les observateurs, l’aide ne va pas manquer au Sri Lanka, mais on peut s’interroger sur la façon dont elle va être utilisée. Sur ce point, Saman Kelegama, directeur de l’Institut d’études politiques à Colombo, fait remarquer : « Au fil du temps, nous n’avons pas su mettre à profit les aides disponibles ».

document de référence rédigé le : 15 février 2005

date de mise en ligne : 12 avril 2006

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