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Novethic

Brésil : la réforme du code forestier menace la forêt amazonienne

18 mai 2012

La réforme du code forestier vient d’être adoptée par les deputés et doit être désomais approuvée par la présidente Dilma Rousseff. Depuis des mois, députés et sénateurs, lobbys agricoles et ONG se livrent une bataille sans merci au sujet de cette réforme. Les antagonismes cristallisés autour de ce texte qui assouplit les règles de protection de la forêt ravivent le vieux débat entre partisans de la croissance et de l’environnement.

Etat du Mato Grosso, en pleine forêt amazonienne. Sous escorte policière, Fabricio Rodrigues et ses hommes s’affairent parmi des centaines de troncs d’arbres abattus. Après des heures de 4X4 sur des routes défoncées, la traque s’achève enfin pour les troupes de l’agence d’inspection gouvernementale de l’Ibama. « Nous avons détecté par satellite une exploitation de bois illégale suite à une dénonciation anonyme. Ce bois a été confisqué et le propriétaire de cette terre a été signalé et identifié. On est en train de retirer ce bois pour le remettre à la municipalité d’Aripuana », explique Fabricio. Le butin d’aujourd’hui n’est pas mince : 3 000 m3 de bois abattu. Il faudra près de 70 camions pour déplacer le tout. Pour l’exploitant fautif, l’amende est salée : 800 000 euros. Autant dire que dans la région, le passage de l’Ibama fait peur.

Depuis quelques années, l’Etat brésilien a en effet engagé de gros moyens pour faire respecter le code forestier. Celui-ci limite l’usage agricole des terres en obligeant les propriétaires de forêts à en préserver une partie intacte, jusqu’à 80% en Amazonie, ou à en reboiser certaines parcelles. Grâce au renforcement des contrôles policiers, appuyés par des images satellites, le taux de déforestation a diminué de 80% au Brésil ces six dernières années.

Far-West amazonien

On est encore pourtant très loin du compte. A quelques kilomètres d’Aripuana, Léonidas a défriché à lui seul 15 hectares, l’équivalent de 15 stades de foot… Le crime aurait presque pu passer inaperçu : en deux semaines à peine, la nature a déjà recouvert les souches d’arbres abattus qu’il s’apprêtait à faire disparaître en y mettant le feu. Pas de chance pour ce petit exploitant, les troupes de l’Ibama viennent de lui tomber dessus : 2 000 euros par hectare déboisé, Léonidas va mettre des années à payer. « J’ai déboisé pour pouvoir faire pousser de l’herbe et mettre mes vaches. Les sanctions, je trouve ça normal pour ceux qui déboisent beaucoup, comme on le voit souvent, mais pour des personnes comme nous, sans ressources, je ne trouve pas ça juste car on est obligé de défricher. Sinon, on ne peut pas survivre », se justifie l’éleveur.

Dans la région, 70% des exploitants sont des petits producteurs comme lui. Incohérence des politiques brésiliennes : pendant 40 ans, l’Etat brésilien a poussé les paysans pauvres à coloniser la forêt. Aujourd’hui, ces petits agriculteurs n’ont pas de titre de propriété, ils n’ont donc pas droit au déboisement légal, ni aux aides de l’Etat pour reboiser. Parallèlement ce vide juridique profite à d’autres, ceux qu’on appelle ici les « grileiros » ou marchands de terres. La méthode est simple, envahir les terrains sans titres, se saisir du bois et revendre une surface nue très prisée par les grands propriétaires pour l’élevage ou l’agriculture.

Carcan trop serré

Résultat : aujourd’hui 90% des propriétaires terriens, fermiers et agriculteurs brésiliens ne respectent pas le Code forestier. Un motif suffisant pour en changer, clament donc les lobbys agricoles qui militent depuis des mois sur les rangs de l’assemblée en faveur d’un assouplissement. « La réforme du code forestier est une nécessité, parce qu’actuellement la majorité des propriétaires n’arrivent pas à le respecter. Comme beaucoup sont en situation irrégulière, ils ont des difficultés pour accéder aux crédits et aux aides publiques. L’application à la lettre du Code actuel représenterait une diminution de 24% de la surface productive du Brésil et donc un manque à gagner de 90 milliards de réais, soit 3,4% du PIB brésilien », soutient Laura Antoniazzi, chercheuse à l’institut Icône, financé par l’industrie agricole.

Le nouveau texte prévoit notamment d’amnistier tous ceux qui ont déboisé illégalement jusqu’en 2008 et la fin partielle de l’obligation de reboiser les zones déforestées, soit 690 000 kilomètres carrés de végétation à nouveau privés de protection. Pour les défenseurs de l’environnement, cette réforme représente un immense pas en arrière. Selon eux, les grands propriétaires terriens, très puissants à Brasilia, se servent de l’argument des plus petits pour défendre leurs intérêts et ouvrir ainsi les vannes de la déforestation.

« Les petits agriculteurs ne sont pas contre la récupération de la forêt mais à condition de bénéficier de l’assistance de l’Etat. La réforme de la loi doit séparer les publics. Il s’agit de différencier les bénéfices que vous allez donner aux petits agriculteurs qui ont besoin d’une aide et les sanctions pour les principaux responsables de la déforestation qui sont les grands propriétaires », explique Marcio Astrini de la campagne Greenpeace Amazonie.

Pour les environnementalistes, le Brésil doit avant tout renforcer le statut de la terre au lieu de le fragiliser. Car le code forestier actuel permet bien une exploitation légale de la forêt. Option qu’a choisie Apolinario Rohden, en divisant ses 15 000 hectares en une trentaine de parcelles. Chaque année, ce grand propriétaire du Mato Grosso n’exploite que 30% de chacune d’entre elles, permettant ainsi une régénérescence naturelle de la forêt. Mais aujourd’hui il se sent lésé. A quoi bon tous ses efforts si le Code forestier est finalement assoupli ? « L’élevage et l’agriculture ont de plus en plus la priorité. L’entrepreneur de bois n’est malheureusement pas soutenu par la politique et n’a pas de lobby au Congrès, alors que l’élevage et l’agriculture sont très puissants », analyse-t-il..

Environnement contre croissance

Après des mois de bataille acharnée entre défenseurs de l’environnement et tenants de l’industrie agro-alimentaire, le vote du fameux texte de réforme, vu, revu et corrigé par les députés puis les sénateurs, vient d’être adopté par les députés. Mais il doit être maintenant approuvé par la présidente Dilma Roussef , qui s’était prononcée contre lors de la campagne électorale.

Les représentants de 39 organisations de la société civile réunis à Rio de Janeiro ont toutefois tiré la sonnette d’alarme, accusant le gouvernement d’avoir déconstruit en un an tout ce qui a été fait pour la protection de l’environnement au cours des 20 à 30 dernières années. Dans un pays où l’agriculture représente 22% du PIB, la sixième économie mondiale est tentée d’étendre sa production pour nourrir sa croissance. Mauvais effet pour le Brésil qui s’apprête à accueillir en juin prochain le sommet Rio +20…

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